La belle allure #1 – Coupe et silhouette

Quelques petits repères

S’agissant de considérations purement pratiques, celui qui s’intéresse nouvellement au style classique est bien gêné dans sa démarche : on lui demande de respecter d’obscures règles, tant complexes qu’incongrues ! Or, il arrive qu’on ne puisse trouver conseil en boutique, qu’il s’agisse de commander en ligne ou d’acheter en seconde main – sauf, dans ce dernier cas, à se rendre dans une friperie spécialisée comme Chez Ammar. D’où qu’il est souvent difficile pour le néophyte de trouver chaussure à son pied, ou, plutôt, costume à sa taille.

Pourtant, nul ne peut prétendre, en un seul article, faire du premier lecteur venu un expert en la matière… de la matière. Loin des comptes Instagram, le vêtement est une réalité matérielle déterminée par autant d’aléas que le tissu, le tissage puis la couture par celui qui le fait ; la stature, la posture, et le port de celui qui le met. Quelles mesures demander au vendeur, sur quels détails donc se concentrer pour déterminer si un accoutrement « va bien » selon la formule consacrée, et quels éléments devraient alors alerter l’œil averti ?

Les extrémités de vos membres seront les points d’ancrage d’un regard avisé. Commençons par le plus évident, les poignets. Avec les bras le long du corps et debout, votre chemise ou pull devrait légèrement dépasser du bas de manche de la veste – environ 1cm. Hormis en portant votre chemise avec les poignets ouverts ou une maille très épaisse, il en va de même quel que soit le type de veste.

Giorgio Armani
@alberto_cordoba


Plus important encore : une araignée qui monte, qui monte, le long du bras pour tomber sur les épaules. Que la ligne d’épaule rende droite (comme la plupart du temps), pagode (du nom de la forme du toit de ces édifices), ou inclinée vers le bas (pour une carrure qui rende plus athlétique, à l’instar de ce qu’on peut voir sur la 2e illustration), la ligne de couture de l’épaule doit être droite et tomber sur l’os acromial, ou un peu plus loin dépendant du montage de l’épaule. Par ailleurs, le tissu de la manche qui y est attaché ne doit ni former un bourrelet, signe d’un tombé trop large, ni un pli, signe d’un tombé trop serré.

Gary Cooper
@dapperpassion

Moins visible, le pied du pantalon n’en est pas moins remarquable. Certes, il y a une part de style dans la façon dont tombe le bas du pantalon sur le soulier. Mais, qu’on choisisse de le porter à la napolitaine, c’est-à-dire un peu plus haut, ou selon la tradition française, autrement dit quelque peu bouffant, il ne doit être ni trop court ni trop long. On préfèrera un pied serré qui tombe parfaitement à un pantacourt qui laisse poindre sa cheville même debout. Pareillement, une légère cassure qui met en valeur la silhouette du bas de la jambe à un ensemble de plis dégoulinants.

Jacques Chirac en costume
Maximilian Mogg

De la « règle d’or » des bonnes proportions

Sur un plan plus théorique, évoquons le nombre d’or, cette règle universelle d’harmonie qui s’applique aux proportions de tout objet. On le retrouve dans la nature sous toutes ses formes, comme dans les œuvres d’art et monuments de nos Anciens. Si cette proportion peut paraître très théorique, dans Le style au masculin : guide à l’usage de l’homme moderne, Bernhard Roetzel l’applique au sujet qui nous intéresse ici.


Le Modulor, par Le Corbusier

En effet, pour toute stature, il est selon lui possible de tracer deux lignes, l’une horizontale, l’autre verticale, qui se croisent en un point qui donne « l’assise » du vêtement. Dès lors, l’on peut diviser le corps qu’on cherche à habiller en huit sections avec un rapport entre deux grandeurs homogènes : il y a le même rapport de la petite à la grande section que de la grande section au tout. C’est à partir de ce découpage harmonieux, que nombre de tailleurs et designers utilisent dans leur travail, qu’on peut placer le milieu aux cinq huitièmes de la longueur du corps. Dans un raisonnement en cercles concentriques, revenons au centre du problème. « Avoir le compas dans l’œil » revient avant tout à savoir où pointer pour tracer son cercle.


À ce titre, le boutonnage actif est l’élément central du cintrage, qui doit marquer optiquement et même visuellement la taille. Il désigne le(s) bouton(s) permettant de fermer la veste et de dessiner la ligne de taille. Par exemple, la ligne de taille peut être marquée par un bouton du haut ou un bouton du milieu qui constitue le boutonnage actif, voire, plus rarement, par un montage dit paddock, dans lequel les deux boutons qu’on peut fermer délimitent la waistline.

Puisqu’il n’est plus à démontrer que les proportions sont maîtresses de l’esthétique, vous comprendrez aisément qu’il ne suffit pas d’avoir une veste qui se ferme bien et au bon endroit pour se tenir fier. Tout particulièrement, la hauteur de la taille du pantalon et la longueur de la jupe de la veste sont les deux principales variables à surveiller pour veiller sur l’harmonie de sa tenue. Nous ne vous répéterons jamais assez de remonter votre froc et couvrir vos fesses !

Stiff Collar


Chez l’homme, cette coupe classique, complètement perdue dans le prêt-à-porter moderne, scinde ainsi la silhouette en deux au niveau de la taille, cache les reins et leurs éventuels repas de famille de trop, donne une forme en « V » au torse, et met en valeur les jambes pour les plus petits, ou le buste pour les plus grands. Ce souci d’équilibre dans la composition de la tenue accentuant une ligne de cintrage s’applique à tous les styles :

The Anthology

The Anthology
Article écrit par Julian Hak

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